L’Autorité monétaire de Singapour publie son premier document de régulation sur les RWA ! 17 grands cas précisent pour la première fois les limites de conformité, Hong Kong va-t-elle suivre ?

Le 4 novembre 2025, l’Autorité Monétaire de Singapour (MAS) a ouvert un nouveau chapitre dans la régulation de la tokenisation des actifs du monde réel (RWA). Le « Guide sur la tokenisation des produits des marchés de capitaux » définit systématiquement, à travers 17 cas types, les frontières des actifs tokenisés, marquant ainsi le passage de la régulation mondiale des RWA d’une exploration floue à une mise en œuvre réglementée. Ce progrès offre au marché, longtemps cantonné dans une « zone grise », des règles d’une clarté sans précédent. Cela signifie non seulement que Singapour a effectué un saut décisif du « flou réglementaire » vers une conformité effective, mais fournit aussi un modèle reproductible pour l’exploration internationale des RWA.

Dans cette révolution où institutions et technologies s’entremêlent, la MAS insiste sur la primauté de « la substance économique sur la forme » et sur le principe de « neutralité technologique », permettant à la finance traditionnelle et à l’innovation blockchain d’évoluer sous un même cadre réglementaire. De l’allocation du capital bancaire aux flux d’actifs transfrontaliers, des pilotes institutionnels à l’expansion sur le marché de détail, la pratique singapourienne est en train de refaçonner la confiance du marché, d’optimiser la gestion des risques, et devient une fenêtre d’observation clé de la conformité RWA en Asie-Pacifique et dans le monde.

I. Point de bascule réglementaire : de l’évolution politique à la réponse du marché

Le 14 novembre 2025, la MAS publie le « Guide sur la tokenisation des produits des marchés de capitaux » et fournit ainsi le premier cadre réglementaire complet dédié aux RWA. Cette initiative ne constitue pas un acte isolé, mais représente une étape clé dans l’évolution de la régulation des actifs numériques à Singapour. Selon la chronologie officielle de la MAS, la construction de ce système réglementaire a débuté avec la « Loi sur les services de paiement » en 2019, s’est progressivement étendue au « Guide sur l’émission de jetons numériques » en 2020, au « Document de consultation sur les actifs numériques » en 2022, pour aboutir à l’actuel système complet couvrant émission, négociation et conservation.

La demande du marché pour une réglementation claire s’est accumulée pendant des années. Selon l’« Indice d’adoption mondiale des actifs cryptographiques 2025 » de Chainalysis, 24,4 % de la population adulte de Singapour détient des actifs numériques, un record en Asie-Pacifique. Parallèlement, le « Rapport mondial sur la richesse 2025 » de Capgemini indique que les family offices asiatiques allouent 3 à 5 % de leurs actifs aux actifs numériques, mais que l’incertitude réglementaire a longtemps freiné leur croissance. La publication du guide par la MAS répond directement à ce besoin pressant de clarté réglementaire.

Il est à noter que le moment choisi pour la publication du guide est étroitement lié à la coordination internationale en matière de régulation. En juin 2025, le Comité de Bâle de régulation bancaire a officiellement appliqué les exigences de fonds propres pour les crypto-actifs, intégrant les actifs traditionnels tokenisés dans le cadre du capital bancaire ; en octobre de la même année, l’Union européenne a achevé la législation clé du « Règlement sur les marchés des crypto-actifs » (MiCA). Le guide de Singapour s’aligne ainsi, dans le temps et dans le fond, sur les tendances mondiales de régulation, illustrant sa volonté de construire des standards internationaux de conformité.

II. Philosophie réglementaire : principe de neutralité technologique et analyse de la substance économique

La MAS précise dans son guide que sa philosophie réglementaire repose sur le principe « mêmes activités, mêmes risques, mêmes résultats réglementaires ». Ce principe, issu de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV), est traduit par Singapour en critères opérationnels à travers des cas concrets. Selon l’article 2.3 du guide, le cœur de la qualification d’un jeton comme produit des marchés de capitaux réside dans « l’analyse de la substance économique », nécessitant une évaluation globale des caractéristiques du jeton, de l’intention de l’émetteur, de la structure globale et de l’ensemble des droits attachés.

Comparé au « Howey Test » utilisé par la SEC américaine, le cadre singapourien insiste davantage sur une pondération multidimensionnelle. Par exemple, dans le cas 3, un jeton adossé à des diamants avec clause de rachat, bien que présenté comme « jeton utilitaire », est considéré comme une obligation en raison d’une promesse de rachat à prix fixe. Cette approche rappelle le « cadre de classification des jetons » de la FINMA suisse, mais Singapour en améliore la prévisibilité par l’exposition de cas concrets.

Le guide exclut également la valeur juridique de termes sectoriels tels que « jeton de sécurité » ou « jeton utilitaire ». La MAS précise en annexe que ces labels peuvent masquer la substance économique des jetons, ouvrant la voie à l’arbitrage réglementaire. Cette position contraste avec celle de la SFC hongkongaise, qui dans son « Guide des plateformes de trading d’actifs virtuels 2024 » maintient la classification « jeton de sécurité » mais exige une évaluation au cas par cas.

III. Carte de conformité à trois dimensions : type d’actif, nature des droits et structure juridique

Le cadre singapourien fournit aux porteurs de projets une cartographie claire de la conformité selon trois dimensions :

La dimension des actifs détermine le coût de conformité de base. Les actifs standardisés et liquides tels que les obligations d’État ou les actions sont plus faciles à tokeniser, tandis que les actifs non standard exigent des structures juridiques complexes. Par exemple, dans le cas 6, un fonds tokenisé regroupant des capitaux d’investisseurs sous gestion professionnelle est qualifié de plan d’investissement collectif et soumis à des exigences d’agrément, de divulgation et de limites d’investissement. À l’inverse, le cas 16 concernant un NFT représentant une œuvre numérique conférant principalement un droit de propriété intellectuelle n’est pas soumis à régulation.

La dimension des droits est au cœur de la qualification réglementaire. Le guide clarifie la frontière par la comparaison des cas 1 et 13 : un jeton représentant la propriété d’une société et donnant droit à des dividendes est considéré comme une action, alors qu’un jeton n’accordant qu’un droit de vote de gouvernance sur une plateforme n’est pas un produit des marchés de capitaux. Plus les droits sont étroitement liés à des caractéristiques financières, plus les exigences réglementaires sont strictes.

La dimension de la structure concerne la mise en conformité. Les porteurs de projet doivent évaluer la nécessité de créer une entité à vocation spéciale, de mettre en place des dispositifs de conservation ou de répondre à des obligations d’audit. Dans le cas 5, un jeton adossé à une obligation via une structure de trust est considéré comme un produit financier indépendant, l’émetteur devant assumer des obligations de divulgation spécifiques. Les structures complexes peuvent partiellement isoler les risques, mais ne changent pas la substance économique des actifs sous-jacents.

IV. Impact sur le secteur bancaire : exigences de fonds propres et transformation des modèles d’affaires

Dans un document de consultation publié en mars 2025, la MAS annonce qu’elle appliquera pleinement les standards du Comité de Bâle en matière de fonds propres pour les crypto-actifs détenus par les banques. Ce cadre classe les crypto-actifs en deux groupes : le groupe 1 inclut les actifs traditionnels tokenisés et les stablecoins qualifiés, le traitement en capital s’appuyant sur l’actif sous-jacent ; le groupe 2 regroupe les crypto-actifs sur blockchain non autorisée, avec un coefficient de pondération du risque de 1250 %.

Cette classification a un impact profond sur la participation des banques au marché RWA. Par exemple, une obligation tokenisée émise par DBS sur Ethereum avec une structure de chaîne permissionnée pourrait être classée dans le groupe 1, tandis qu’un produit similaire sur chaîne publique non permissionnée serait soumis à des exigences de fonds propres bien plus élevées. Selon le « Rapport sur la tokenisation 2025 » de JPMorgan, certaines banques européennes ont déjà ajusté leur stratégie technologique en privilégiant les blockchains permissionnées ou hybrides.

Les modèles d’affaires bancaires s’adaptent en conséquence. Un responsable de l’innovation chez Standard Chartered note que leur émission d’obligations tokenisées passe d’une logique « orientée investisseur » à une logique « orientée efficacité du capital », optimisant la pondération des risques via la conception de l’architecture. Cette évolution illustre l’influence directe des règles sur les comportements de marché.

V. Concurrence et coopération : trajectoires réglementaires et pratiques de marché à Hong Kong et Singapour

Hong Kong et Singapour affichent des différences notables dans la régulation des RWA, principalement sur trois plans :

Au niveau de la structure juridique, Hong Kong s’appuie sur l’« Ordonnance sur les valeurs mobilières et les contrats à terme » et le régime de licence VASP, adoptant un modèle centré sur la licence ; Singapour construit un système fonctionnel fondé sur le « Securities and Futures Act », le « Payment Services Act » et les règles DTSP. Le premier privilégie l’accès institutionnel, le second vise la substance économique des activités.

Sur le plan culturel, la Hong Kong Monetary Authority pilote le programme « Evergreen » pour la tokenisation des obligations vertes gouvernementales, illustrant une approche descendante ; à Singapour, le « Project Guardian » fédère plus de 40 institutions internationales pour bâtir un écosystème de co-gouvernance sectorielle. Cette différence reflète la structure des marchés locaux : Hong Kong s’appuie sur le réservoir d’actifs continental, Singapour cible la liquidité mondiale.

Sur le plan technologique, Hong Kong impose aux projets sandbox d’intégrer une couche de règlement en stablecoin HKD, affirmant la souveraineté monétaire ; Singapour promeut l’interopérabilité interchaînes via la publication du « Livre blanc sur la tokenisation des actifs » 2.0. Les deux incarnent, respectivement, des philosophies techniques « bouclées et contrôlées » versus « ouvertes et interconnectées ».

Cette divergence structurelle façonne directement la stratégie d’implantation des institutions financières. HSBC adopte un modèle à double siège, émettant des obligations de financement localisées à Hong Kong et développant la tokenisation des REITs à Singapour pour le marché de détail ; Ant Group obtient les licences 1, 4 et 9 à Hong Kong pour gérer les actifs liés à la Chine continentale et demande une licence de paiement à Singapour pour bâtir le canal de règlement XSGD ; JPMorgan Onyx privilégie Singapour pour la tokenisation de REITs retail, le cadre réglementaire y étant plus facilement réplicable à l’international.

Les pratiques de marché reflètent clairement les avantages comparatifs : Hong Kong occupe une position unique pour connecter les actifs continentaux, tandis que Singapour excelle en matière de normalisation réglementaire et technique. CMB International a ainsi réalisé la tokenisation du premier fonds transfrontalier reconnu à la fois à Hong Kong et à Singapour via un déploiement multichaîne, introduisant un nouveau paradigme de collaboration inter-marchés.

VI. Innovations réglementaires : extension des exigences de divulgation, définition du contrôle et compétence extraterritoriale

Le cadre de la MAS introduit trois innovations majeures :

Les exigences de divulgation s’étendent de la finance à la technologie. L’article 3.7 du guide impose aux émetteurs de divulguer le type de DLT, les audits de smart contracts, la gestion des clés privées, ainsi que de préciser la correspondance entre les écritures on-chain et la propriété juridique. Ce principe de « transparence technologique » pourrait devenir un modèle mondial.

La définition du contrôle redessine les frontières de la conservation. La MAS définit le « contrôle » comme « la capacité d’accéder ou de transférer des jetons », sans exiger l’exclusivité. Cela signifie que les fournisseurs de portefeuilles multisignatures ou les administrateurs de protocoles DeFi peuvent être considérés comme dépositaires et devront obtenir la licence correspondante.

La compétence extraterritoriale limite l’arbitrage réglementaire. Selon l’article 339 du « Securities and Futures Act », la MAS peut exercer sa compétence sur les activités offshore ayant un « effet substantiel à Singapour ». Associée à la définition large de la provenance des activités selon les règles DTSP, la marge d’exemption pour les structures extraterritoriales se réduit considérablement.

La publication du guide de Singapour accélère la coordination mondiale des régulations RWA. L’UE, via MiCA, intègre les actifs tokenisés dans la réglementation des instruments financiers existants ; la FSA japonaise va réviser en 2025 la « Loi sur les instruments financiers et les transactions », clarifiant l’application des règles traditionnelles aux titres tokenisés ; Abu Dhabi Global Market bâtit un cadre flexible dans la common law via la FSRA.

La dynamique technologique s’accentue également. Ant Group a développé une chaîne Layer 2 atteignant 100 000 TPS, rendant possible le règlement en millisecondes ; le protocole DECO de Chainlink valide les actifs off-chain via des preuves à connaissance nulle, résolvant l’asymétrie d’information. Ces innovations font passer les RWA de la « preuve de concept » à l’« application à grande échelle ».

À l’avenir, deux trajectoires pourraient émerger : Hong Kong en centre d’émission numérique pour les actifs de qualité du continent, Singapour se concentrant sur la normalisation réglementaire et l’interopérabilité interchaînes. Mais la véritable compétition entre les deux repose sur l’art de l’équilibre entre « conformité et innovation » : la régulation doit prévenir les risques sans étouffer l’innovation. Comme le souligne le Chief FinTech Officer de la MAS : « Notre objectif n’est pas d’avoir les règles les plus strictes, mais les règles les plus claires. »

Sources partielles :

· « L’Autorité monétaire de Singapour publie un cadre directeur sur l’émission de RWA ! Décryptage de dix-sept cas de jetons ! Hong Kong va-t-il s’en inspirer ? »

· « Nouvelle réglementation surprise sur la tokenisation à Singapour : la bataille des centres financiers d’Asie-Pacifique s’intensifie »

· « Décryptage : le plan de commercialisation de la tokenisation des actifs par la MAS »

LINK-0.68%
Voir l'original
Cette page peut inclure du contenu de tiers fourni à des fins d'information uniquement. Gate ne garantit ni l'exactitude ni la validité de ces contenus, n’endosse pas les opinions exprimées, et ne fournit aucun conseil financier ou professionnel à travers ces informations. Voir la section Avertissement pour plus de détails.
  • Récompense
  • Commentaire
  • Reposter
  • Partager
Commentaire
0/400
Aucun commentaire
  • Épingler
Trader les cryptos partout et à tout moment
qrCode
Scan pour télécharger Gate app
Communauté
Français (Afrique)
  • 简体中文
  • English
  • Tiếng Việt
  • 繁體中文
  • Español
  • Русский
  • Français (Afrique)
  • Português (Portugal)
  • Bahasa Indonesia
  • 日本語
  • بالعربية
  • Українська
  • Português (Brasil)